Nous Encourageons Future Chercheur De Continue

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Faiez Zannad

Thérapeutique et Cardiologie, Université de Lorraine, Nancy, France

C'est avec beaucoup de fierté et d'honneur que j'ai appris ma distinction par la revue « La Tunisie Médicale », parmi d'autres éminents collègues tunisiens qui ont contribué le plus en publications scientifiques internationales, et que je tiens à féliciter.

Un Éditorial est forcément un exercice un peu « narcissique ». Que l'on me pardonne d'y céder. Du récit de mon parcours, je souhaite tenter de dégager quelques enseignements utiles pour nos jeunes collègues chercheurs.

Je ne suis pas nécessairement adepte des classements, concours et distinctions. Mais il faut avouer que dans le domaine scientifique comme dans d'autres domaines, la compétition est le moteur de l'innovation et du progrès. Le classement H index, est basé sur le nombre de citations des publications personnelles. Un travail cité par d'autres collègues est un travail qui est jugé utile pour étayer d'autres hypothèses de travail, alimenter le débat scientifique, changer les pratiques médicales, et généralement influencer le progrès dans son domaine.

Après un intérêt initial pour l'hypertension artérielle, et plus spécialement les médicaments antihypertenseurs, je me suis orienté vers le domaine de l'insuffisance cardiaque. Cette conversion était volontaire. Le domaine de l'hypertension artérielle, après une bonne décennie d'innovations majeures, dans les années 1980 et 1990, n'a pas marqué de progrès dans les années 2000. J'étais tout de même fasciné par les grands essais cliniques dans ce domaine, qui ont établi le fait solide que baisser la pression artérielle prévenait les accidents cardiovasculaires. J'ai évolué vers le domaine de l'insuffisance cardiaque, après que ma contribution à l'hypertension artérielle, ait culminé par mes fonctions de Président de la Société Française d'Hypertension artérielle.

C'est par la porte des essais cliniques que je suis entré dans le domaine de l'insuffisance cardiaque. Le premier essai clinique de morbi-mortalité, l'essai CONSENSUS, m'a servi de déclic, et de modèle pour concevoir et réaliser, avec le Pr Pitt, l'essai RALES. Explorant les mécanismes du bénéfice de la spironolactone, dans l'IC à fraction d'éjection réduite, j'ai utilisé les dosages de biomarqueurs pour démontrer que la réduction de la fibrose était centrale au bénéfice de cette classe de médicaments. Cela m'a amené à coordonner une série de travaux, financés par la communauté Européenne, sur la fibrose comme mécanisme cible dans cette maladie (FIBROTARGETS www.fibrotargets.eu), et sur l'utilisation des biomarqueurs omiques pour comprendre les mécanismes de progression vers l'insuffisance cardiaque (HOMAGE www.homage.eu).

Parallèlement, dans une démarche translationnelle inverse, j'ai entrepris des travaux pour comprendre les mécanismes intimes de l'action anti- fibrotique des antagonistes des récepteurs minéralocorticoides. Ces allers retours « du lit à la paillasse » sont très instructifs et passionnants. Mais ce qui m'a le plus occupé c'est une carrière de « clinical trialist» que j'ai développée en participant et/ou dirigeant plusieurs essais cliniques majeurs qui ont changé les pratiques médicales. C'est cette carrière qui m'a amené à créer et animer le forum international Cardio Vascular Clinical Trialists (CVCT) (www.globalcvctforum.com). Les financements européens, auquel l'accès est très compétitif, est critique pour développer une recherche innovante et attirer et financer des jeunes chercheurs.

"Le concours aux financements de projets est une dimension essentielle dans la vie d'un chercheur."

J'ai pu développer mes travaux grâce à de nombreuses collaborations internationales, mais aussi grâce à la structuration d'un environnement de recherche solide à l'Université de Lorraine, à Nancy, à laquelle j'ai contribué, par des collaborations trans -disciplines, avec des diabétologues, des néphrologues, des réanimateurs, des gériatres, des épidémiologistes, des pharmacologues et des biologistes des sciences fondamentales. Dans la dynamique de fertilisation entre disciplines cliniques est fondamentales, j'ai créé le Centre d'investigations Cliniques (CIC) de Nancy, enrichi d'un CIC épidémiologie clinique et d'un CIC innovations technologiques, puis d'une unité Inserm cardiovasculaire et une en de recherche en imagerie. Nous avons ainsi, en quelques années, complété un dispositif unique en France de 3 CICs très complémentaires dans un seul CHU, adossé à deux nouvelles unités Inserm. Une condition importante pour avancer est de disposer d'une masse critique de chercheurs et cliniciens avec un accès à des plateformes de recherche expérimentale et clinique complémentaires.

Les travaux qui m'ont donné le plus de satisfaction, en tant qu'investigateur principal, sont notamment la démonstration du bénéfice du traitement bétabloquant et de celui des antagonistes des récepteurs minéralocorticoides, et la démonstration des mécanismes d'action de cette classe. J'ai eu mon lot de déceptions avec des essais neutres ou négatifs dans la même maladie. J'ai pu aussi inaugurer les premiers essais cliniques de protection cardiovasculaire chez

les hémodialysés chroniques et démontré l'intérêt des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, et l'inefficacité des statines. Plus récemment, mes travaux sur la classe des inhibiteurs de canaux sodium glucose (SGLT2i) ont conduit à l'émergence d'une classe de médicaments aux bénéfices cardiovasculaires set rénaux dans l'insuffisance cardiaque quelle que soit la fraction d'éjection et dans un large évantail de fonction rénale. Tous ces travaux ont composé le socle du traitement moderne de l'insuffisance cardiaque, et on conduit à des recommandations très fortes avec un niveau de preuve élevé dans les recommandations internationales.

La vie de chercheurs est aussi jalonnée par beaucoup de frustrations. Un chercheur à succès c'est un chercheur qui a échoué et a recommencé. Ma carrière a connu beaucoup de vicissitudes. Certaines communes à tout chercheur qui se trompe et fait fausse route avant de trouver. D'autres sont liées au contexte d'un chercheur étranger qui doit réussir plus vite et plus fort pour émerger. La « préférence nationale » en France s'exerce aussi dans le domaine académique et scientifique. Toutefois c'est probablement le milieu de la recherche scientifique qui en est le plus immunisé. Globalement, j'ai plus à me féliciter d'avoir rencontré des collègues et collaborateurs accueillants et bienveillants que d'autres qui se sont évertué à me barrer la route. Le professeur Pierre Drouin, de Nancy, vrai pionnier de la recherche clinique, m'a encouragé puis accompagné pour fonder le Centre d'investigation Clinique de Nancy. Esprit iconoclaste, il a renforcé mon caractère de ne jamais accepter le fait accompli. C'est grâce à mon maître, le Professeur Jean Marie Gilgenkrantz, au CHU de Nancy, que j'ai fait mes débuts dans ma première spécialité, l'hypertension artérielle. J'ai toujours admiré son humanisme, son éloquence, et son sens didactique. Une mention spéciale à Marc Vendittozzi, un bon vivant, visionnaire ! Directeur de marketing aux laboratoires Searle, qui m'a convaincu que les anti- aldostérones pouvaient être autre chose que des « épargneurs de potassium ». Je lui dois beaucoup. Il a donné une impulsion décisive à ma carrière. Le Professeur Bertram Pitt, de l'université du Michigan, bouillonnant jeune homme de près de 90 ans, reste encore mon guide. D'une imagination fébrile et contagieuse, il m'a appris à oser les hypothèses scientifiques les plus originales. Enfin, le professeur Eugene Braunwald, qui a influencé des générations entières de cardiologues, m'a accueilli récemment dans son équipe à la Harvard Medical School, en tant que Professeur Visiteur « Eugene Braunwald Scholar ».

Mais, je dois tout à ma mère ! Ma mère voulait que je devienne médecin, et plus précisément cardiologue ! Elle souffrait d'hypertension artérielle et est décédée, par suite d'un accident vasculaire cérébral, trop jeune, avant que je n'aie pu lui offrir ma réussite en première année de médecine. Après mes deux premières années de médecine à Tunis, j'ai poursuivi mes études en France. Fasciné par le mythe des « interne des hôpitaux de Paris », j'ai fini « interne des hôpitaux de Nancy ». Parallèlement à mon internat de cardiologie, j'ai suivi des études de pharmacologie clinique. Grâce à une bourse du CNRS j'ai quitté momentanément la clinique pour « la paillasse » et au Medical Research Council à Oxford, j'ai écouté les enseignements de quelques « grands » Maîtres : Peter Sleight, Sir Vaughan Williams (qui a fait la classification des anti-arythmiques) et Sir Hans Adolf Krebs (Prix Nobel qui a donné son nom au cycle de krebs!). J'ai obtenu ensuite à l'université de Lyon un Doctorat d'État de Biologie Humaine en Pharmacologie Clinique, équivalent au PhD. J'ai continué dans cette voie hybride, atypique, de cardiologue et de pharmacologue,

déterminante pour la suite de ma carrière, jusqu'à être nommé Professeur de thérapeutique, praticien des hôpitaux en cardiologie.

Cette fonction, en plus de m'ouvrir plus grandes les portes de la recherche académique, m'a autorisé d'exercer l'art de l'enseignement. Je me suis astreint à former des chercheurs mais aussi des médecins praticiens. Un futur médecin doit apprendre à comprendre le patient aussi dans sa dimension humaine, plutôt que simplement accumuler des connaissances, désormais disponibles partout. La numérisation de la santé, l'intelligence artificielle, dépassent déjà les performances diagnostiques du médecin, et les outils algorithmiques et la robotique vont probablement remplacer les qualités techniques des médecins et chirurgiens. Il reste que nous aurons toujours besoin de médecins empathiques pour « comprendre » les patients et leurs entourages, pour « annoncer » le diagnostic, éduquer, convaincre et accompagner. L'enseignement de la thérapeutique dans sa dimension humaine, de la communication, et de la psychologie sont essentiels. Un futur médecin doit aussi « apprendre à apprendre ». La croissance fulgurante du corpus des connaissances médicales fait que tout ce qu'un étudiant apprend au cours de ses études deviendra obsolète avant qu'il ait fini ses études. La priorité est donc l'appréhension de la méthode scientifique. Il est évident que nous devons être créatifs pour proposer un profond changement des modalités d'enseignement aux étudiants.

Alors, que conseiller à mes jeunes et futurs collègues Tunisiens, en Tunisie ou ailleurs ?

J'ai insisté ci-dessus sur les voies qui m'ont guidés : nécessité de collaborations internationales, fertilisation entre disciplines, accès à une masse critique de chercheurs et cliniciens et à des plateformes de recherche expérimentale et clinique complémentaires et financements suffisants.

"Nécessité de collaborations internationales, fertilisation entre disciplines, accès à une masse critique de chercheurs et cliniciens et à des plateformes de recherche expérimentale et clinique complémentaires et financements suffisants."

Pendant l'année de « gouvernement technocrate » en Tunisie (2014- 2015), mon collègue et ami le Pr Mohammed Salah Ben Ammar, alors ministre de la santé, m'a appelé à ses côtés. J'ai alors pris une année sabbatique pour me consacrer exclusivement à la tâche de l'aider dans sa charge au ministère de la santé. Pendant mon immersion totale au pays, il m'a chargé, entre autres, de deux dossiers : celui de dynamiser la recherche médicale et celui de mettre en route le chantier de la numérisation de la santé.

Pendant une année nous avons pu initier avec les organismes de recherche tunisiens plusieurs conférences internationales, dont notamment l'Inserm et le conseil de l'Europe. J'ai pu observer la grande richesse du terreau tunisien et le nombre important de collaborations internationales établies entre des équipes tunisiennes et des équipes européennes et américaines. Toutefois la majorité de ses collaborations était « paternalistes », et pas toujours à l'avantage des chercheurs tunisien. Très souvent les équipes de recherche étrangères venaient recruter les étudiants tunisiens les plus brillants, et prélever les données de santé collectées par les équipes locales, et notamment les collections biologiques précieuses de patients atteints de maladies héréditaires, rares ailleurs,

et plus communes en Tunisie en raison de la fréquence des mariages consanguins. Les collaborations internationales sont essentielles. Mais il faut développer celles-ci avec plus d'équilibre et encourager les équipes internationales à fertiliser les équipes locales dans le cadre d'un développement durable.

"Les collaborations internationales sont essentielles. Mais il faut développer celles-ci avec plus d'équilibre et encourager les équipes internationales à fertiliser les équipes locales dans le cadre d'un développement durable."

À mon grand étonnement, il n'y avait pas de direction de recherche médicale au ministère. Celle-ci a été créée alors sous le mandat du Minsitre Ben Ammar. Elle est devenue un interlocuteur important du ministère de la recherche. Plus d'autonomie et plus de crédits dirigés vers la recherche médicale me semblent nécessaires, avec une autonomie relative du ministère de la recherche.

"Plus d'autonomie et plus de crédits dirigés vers la recherche médicale me semblent nécessaires, avec une autonomie relative du ministère de la recherche."

J'ai observé que celui-ci à laisser se développer un très grand nombre d'unités et laboratoires de recherche de très petite dimension disposant de peu de financements qu'ils avaient d'ailleurs beaucoup de mal à dépenser. Dans un effort de structurer la recherche médicale et de lui donner une taille critique, nous avons lancé un appel d'offres avec un jury international pour créer des centres d'investigations cliniques. À la fin de ma mission au ministère de la santé, le budget était négocié avec le ministère de l'économie et approuvé par le ministère de la recherche pour financer, y compris le bâtiment, les équipements et les chercheurs de cinq centres d'investigations cliniques d'excellence. Le jury international était impressionné par la fertilité des porteurs de projets prometteurs. Cette initiative était de nature à assurer la fertilisation nécessaire entre disciplines, l'accès à une masse critique de chercheurs et de cliniciens et à des plateformes de recherche expérimentales et cliniques complémentaires et à des financements significatifs. Malheureusement les vicissitudes politiques, persistant à ce jour, n'ont pas permis à cette initiative de se développer.

Dans le contexte actuel de « transition démocratique » et de révolution inachevée, que reste-t-il aux chercheurs tunisiens pour développer leurs talents ? La plupart ont démissionné de la recherche et des hôpitaux publics, se consacrant exclusivement aux soins, beaucoup ont migré vers l'étranger.

D'aucuns se lamentent de la fuite des cerveaux. À ceux-ci je voudrais répondre qu'il vaut mieux un chercheur qui réussit à l'étranger qu'un chercheur frustré dans son pays.

« D'aucuns se lamentent de la fuite des cerveaux. À ceux- ci Je voudrais répondre qu'il vaut mieux un chercheur qui réussit à l'étranger qu'un chercheur frustré dans son pays. »

Le succès de nos collègues à l'étranger finit toujours par rejaillir bénéfiquement sur le pays. Ceci est vrai, à condition que le pays ait certains égards pour sa diaspora et encourage les retours ou les collaborations. Les retombées de la diaspora, même si ces membres restent à l'étranger, sont incalculables, dès lors qu'on veut leur prêter attention et les accompagner.

"Les retombées de la diaspora, même si ces membres restent à l'étranger, sont incalculables, dès lors qu'on veut leur prêter attention et les accompagner."

Nos chercheurs à l'étranger accueillent régulièrement en formation des Tunisiens dans l'espoir que ces derniers rentrent continuer leurs travaux au pays. Nos chercheurs à l'étranger sont les mieux placés pour développer les collaborations internationales et ouvrir les financements européens. Nos chercheurs à l'étranger sont toujours tentés d'initier ou d'accompagner le développement de start-up tunisiennes.

Pour ceux qui restent au pays et ont déserté le champ de la recherche pour se consacrer exclusivement aux soins, je voudrais les encourager à développer une recherche originale, clinique. La pratique clinique produit de la science. Les médecins cliniciens ont accès aux patients et peuvent participer aux essais cliniques internationaux, source de formation, de revenus, et d'amélioration des pratiques médicales au pays. Les pays de l'Europe de l'est l'on compris depuis longtemps et on investit massivement dans le développement des essais cliniques.

Malgré ses difficultés, passagères, le système de santé en Tunisie est solide et propice au développement des essais thérapeutiques, plus que dans n'importe quel autre pays Africain. La Tunisie peut prendre le leadership et devenir le Hub des essais cliniques en Afrique. Pour cela il faut renforcer la formation à la recherche clinique dans nos facultés et lancer d'autres formations aux nouveaux métiers de la recherche.

"Malgré ses difficultés, passagères, le système de santé en Tunisie est solide et propice au développement des essais thérapeutiques, plus que dans n'importe quel autre pays Africain. La Tunisie peut prendre le leadership et devenir le Hub des essais cliniques en Afrique. Pour cela il faut renforcer la formation à la recherche clinique dans nos facultés et lancer d'autres formations aux nouveaux métiers de la recherche."

La législation tunisienne a été améliorée et est devenue maintenant conforme aux standards internationaux pour la participation des volontaires sains et des patients volontaires aux essais cliniques. Enfin la recherche clinique est une excellente école de formation pour la pratique clinique.

"la recherche clinique est une excellente école de formation pour la pratique clinique."

C'est aussi une excellente occasion pour accéder à la publication scientifique dans un contexte international.

Je conclurai par souligner les vertus de la publication scientifique. Un article scientifique est publié après évaluation et amélioration par les pairs. Pendant mon année sabbatique en Tunisie, j'ai été amené à observer les centaines de volumes de thèses de médecine encombrant les bureaux des collègues qui m'ont fait l'amitié de me recevoir dans leurs services et leurs laboratoires. J'ai pu observer qu'une très petite minorité de ces thèses font l'objet d'une publication scientifique.

Je renouvelle ici ma proposition faite alors au Doyen, que chaque thèse de médecine, pour être acceptée, doit faire l'objet d'une publication scientifique.

La revue la Tunisie Médicale pourrait être terriblement dynamisée grâce à cette simple initiative et le niveau des thèses de médecine progresser significativement, enrichissant le terreau des future chercheurs tunisiens.

"Je renouvelle ici ma proposition faite alors au Doyen, que chaque thèse de médecine, pour être acceptée, doit faire l'objet d'une publication scientifique."

slusherilare2000.blogspot.com

Source: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9469906/

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